Mourir et l’espérance de la résurrection

Aujourd’hui, on entend souvent « il a disparu », « il nous a quittés », comme si dire « il est mort » paraissait encore plus effrayant.

► Le frère Camille de Belloy, dominicain, a prononcé cette homélie lors de la messe télévisée du dimanche 2 novembre 2025, en direct de l’église Saint-Joseph à Besançon (Doubs)

Avez-vous remarqué, frères et sœurs, qu’à la télévision, à la radio, dans la presse et même dans nos conversations courantes, le mot « mort », le verbe « mourir » sont soigneusement évités et remplacés par d’autres qu’on estime moins désagréables à entendre, plus acceptables, plus supportables.
Et le mot de substitution le plus fréquent, c’est celui de « disparition  ». C’est moins douloureux, n’est-ce pas ? La mort, la mort cruelle, la mort réelle, n’est plus qu’un simple effacement. Moins douloureux, vraiment ? C’est surtout moins respectueux de ce qu’est la vie, la vie d’une personne, de ce que fut la vie de celles et de ceux dont nous faisons mémoire en ce jour, nos défunts.
S’ils n’ont fait que « disparaître », alors c’est que leur vie n’était qu’un apparaître temporaire, une apparition fugitive, voire une simple apparence, sans épaisseur réelle, sans consistance. Eh ! bien non, frères et sœurs, ce n’est pas cela la mort, parce que ce n’est pas cela la vie !

Heureusement l’Évangile est là pour nous faire voir les choses tout autrement. Aujourd’hui, nous nous rendons avec Jésus à Béthanie, un village situé tout près de Jérusalem, où Jésus avait l’habitude de s’arrêter pour se reposer dans la maison de ses amis, deux sœurs, Marthe et Marie, et leur frère Lazare. Or voici que Lazare est tombé malade. Ses sœurs l’ont fait savoir à Jésus : « Celui que tu aimes est malade. »
Cependant Jésus n’est pas venu tout de suite au chevet de son ami. C’est seulement au bout de deux jours, sachant que Lazare a succombé à sa maladie et qu’il est mort, que Jésus se rend à Béthanie avec ses disciples. Marthe, avec son caractère impulsif, bien différent de celui de sa sœur Marie, sort au-devant de Jésus et lorsqu’elle l’interpelle, elle n’a pas peur, elle, d’appeler les choses par leur nom : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! » Or c’est justement parce qu’elle ne craint pas de regarder en face la mort de son frère Lazare, c’est justement parce qu’elle ne cherche pas à cacher ou à atténuer sa douleur qu’elle peut exprimer cette première et magnifique espérance : « Mais, maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Elle ne réclame rien en particulier, elle ne pose pas d’exigences, elle dit seulement sa confiance totale en Jésus. Et c’est Jésus qui va l’aider – qui va nous aider tous – à avancer plus loin, beaucoup plus loin, dans le mystère de la mort et surtout dans le mystère de la vie.

Pourtant la première parole que Jésus adresse à Marthe : « Ton frère ressuscitera » pourrait sembler un peu distante, froide, comme celle d’un professeur de théologie plutôt que celle d’un ami. Suffit-il de rappeler un point de catéchisme, si important soit-il, pour consoler une âme en deuil, un cœur qui pleure ? Marthe d’ailleurs connaît aussi son catéchisme : « Je sais, répond-elle, qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Mais elle dit seulement « je sais », comme si cette perspective d’une résurrection de la chair à la fin des temps était trop lointaine pour elle, trop extérieure à elle pour pouvoir la concerner dès maintenant ni réparer la perte actuelle, la mort présente de son frère.

« Moi, je suis la résurrection et la vie.  » Cette seconde parole de Jésus renverse toute la perspective, celle de Marthe comme la nôtre. Car la résurrection alors n’est plus seulement un point de catéchisme, ni quelque chose d’assez vague situé très loin de Marthe, très loin de nous. La résurrection, c’est une personne, c’est Jésus qui dit « je » et qui nous parle au présent. S’il est, dès maintenant, la résurrection pour nous et pour tous nos frères et sœurs défunts, c’est parce que lui, Jésus, le Fils de Dieu, est réellement mort sur une croix – il n’a pas disparu ! –, qu’il a été mis dans un tombeau et qu’il est ressuscité d’entre les morts le troisième jour, le jour de Pâque. C’est ce qui permet à saint Paul de dire ces mots incroyables, qui sont pourtant au cœur de notre foi chrétienne, au cœur de notre prière pour les défunts : « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra », dit encore Jésus à Marthe. « Crois-tu cela ? » Voilà ce que Jésus nous demande aujourd’hui comme autrefois à Marthe. À cette question personne ne peut répondre à notre place, mais la réponse de Marthe peut soutenir notre foi et guider notre prière pour les défunts : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde » et qui nous sauve de la mort. Amen.

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2 novembre 2025, mis à jour le 11 novembre 2025